Messages de Carême de Mgr de Kerimel

Durant ce Carême, nous vous enverrons une newsletter spéciale à l’occasion des grands moments qui nous conduiront vers Pâques. Puisqu’elles auront pour objectif de nous introduire au mystère du jour, les rubriques habituelles en seront modifiées.

Un Carême pour se convertir à l’amour de Dieu et du prochain

Le carême est un temps de pénitence : rien d’enthousiasmant à se confronter à sa propre misère, à son propre péché ! Mais le carême n’a pas pour but de se centrer sur soi.
Le carême est un temps pour réparer la relation avec Dieu et avec le prochain, pour la restaurer. Le but n’est donc pas soi-même, mais l’autre ! C’est en cela que consiste la conversion.
Le carême est un temps pour apprendre à aimer, à élargir son cœur : il invite à partager les sentiments du Christ et à compatir avec toute l’humanité et avec chaque personne humaine.

La prière, le jeûne et le partage ont pour objectif l’amour de Dieu et du prochain. Chaque chrétien, ou chaque communauté chrétienne, peut donc, en se décentrant de soi, choisir d’orienter sa capacité d’aimer vers telles ou telles personnes, vers tel peuple, vers telle partie de l’humanité en crise ou en détresse.
Parmi les personnes à aimer particulièrement pendant le carême, n’oublions pas les catéchumènes ; à l’origine, c’est pour les accompagner dans leur lutte contre le péché, dans leur combat pour devenir libres du mal, que les chrétiens ont prié et jeûné.
Par ailleurs, le troisième dimanche de carême, nous prierons tout particulièrement pour toutes les personnes victimes d’abus sexuels commis par des prêtres ou des gens d’Église.

Le carême sera réussi si les chrétiens que nous sommes ont progressé dans l’engagement envers Dieu et leurs semblables. L’amour décentre de soi, il dépasse les intérêts particuliers pour s’ouvrir au bien commun ; l’amour tend à l’unité, il est communion ; l’amour rend humble ; l’amour dérange et il est paix ; l’amour est feu qui purifie et dilate ; il est eau vive qui suscite la vie.

Bon carême !

+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse

Rappel : En ce 2 mars 2022, le pape François nous invite à jeûner et à prier pour la paix en Ukraine.

publié le 1 mars 2022


Quarante jours pour se convertir

Pourquoi parler de conversion ? Si nous comprenons la conversion comme l’adhésion à la foi chrétienne des personnes qui viennent du paganisme, il est inopportun d’inviter les chrétiens à se convertir durant le carême. Or le carême s’adresse aux chrétiens, et il est vécu essentiellement par les chrétiens pratiquants, donc des personnes déjà converties. Dans ce cas, le terme conversion peut être réservé aux catéchumènes dans leur ultime étape avant le baptême ; les baptisés les soutenant de leur prière et de leurs efforts.

Mais nous savons d’expérience que les baptisés que nous sommes sont appelés à la sainteté et en sont loin pour la plupart, tout pratiquants qu’ils soient. Nous savons que nous sommes pécheurs, qu’il y a encore des zones d’ombre dans nos vies qui ont besoin d’être mises dans la lumière de Dieu. C’est pourquoi, tandis que les catéchumènes vont vivre les scrutins, se laissant scruter jusqu’au fond d’eux-mêmes par la Parole de Dieu pour renoncer au mal, il n’est pas inutile que les baptisés eux-aussi laissent la Parole de Dieu purifier leur cœur ; il est bon qu’ils puissent remettre à Dieu leurs péchés dans le sacrement de la réconciliation. Tandis que les catéchumènes vont recevoir le symbole de la foi et vont l’intérioriser, il n’est pas inutile que les baptisés revisitent ce symbole qu’ils récitent sans toujours penser à ce qu’ils disent. Tandis que les catéchumènes vont recevoir le « Notre Père » qui est l’essence de la prière chrétienne, il est bon que les baptisés soient renouvelés dans la prière filiale et dans sa dimension communautaire.

En ce premier dimanche de carême, l’appel décisif des catéchumènes au baptême doit résonner en nous comme un appel décisif à la conversion.

+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse

publié le 4 mars 2022


Un long combat spirituel

En quoi consiste la conversion ?

Se convertir, c’est se tourner vers Dieu pour faire de Lui la Source et le But de sa vie. La conversion opère un changement dans la manière de penser, de parler et d’agir : en effet nos pensées, nos paroles et nos actions n’ont pas toujours Dieu comme source et finalité.

Penser à partir de la pensée de Dieu, dans la lumière de la foi et celle de la raison droite, est le plus gros travail d’un chrétien, car de la pensée découle les paroles et les actions. C’est pourquoi les Pères du désert et la tradition spirituelle de l’Église insistent sur la maîtrise des pensées. Les droites pensées produisent des paroles modérées et sages, qui rendent témoignage à Dieu et édifient le prochain ; elles génèrent des œuvres qui glorifient Dieu et font du bien à tout être humain.

Le processus de conversion est un long combat spirituel qui invite le chrétien à lâcher ses propres idées, à renoncer à avoir raison, sans pour autant renoncer à apporter sa contribution dans la recherche de la vérité et du bien à accomplir. Il est bon et utile pour le bien commun de rêver, d’avoir des idées personnelles, de réfléchir à la manière de mener notre mission dans le monde ; mais chacun doit être prêt à confronter ses idées et ses rêves à la Parole de Dieu, au réel, et à la communauté (société, famille, groupe, paroisse) pour une confirmation ou un rejet, dans une attitude d’humilité et de désappropriation. C’est un moyen très sûr de ne pas agir selon sa seule volonté propre, mais selon la volonté de Dieu, selon la pensée de Dieu.

La conversion consiste à s’engager délibérément au service de Dieu, en mettant en œuvre les dons reçus, sans jamais s’approprier ces dons ni s’en glorifier. Pour cela le chrétien cherche humblement la volonté de Dieu ; il demande la grâce d’entrer dans ses vues et d’agir selon sa pensée.

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse

publié le 11 mars 2022


Avec confiance en Dieu

La conversion : faire la volonté de Dieu

La volonté de Dieu est le bonheur de chaque personne humaine et de toute l’humanité. La volonté de Dieu est la vie et le salut de tous. « Dieu a tellement aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle  » (Jean 3, 16). Pourtant bien souvent le croyant lui-même reste méfiant vis-à-vis de Dieu ; il craint toujours que Celui-ci lui demande des choses impossibles. Il préfère suivre sa propre volonté, garder la maîtrise de sa vie, plutôt que de s’en remettre à Dieu qui veut son bien. Or l’être humain a une courte vue ; il ne sait pas toujours quel est son vrai bonheur, et par conséquent, il se trompe souvent de chemin pour atteindre le bonheur recherché.

Le péché qui blesse le plus le cœur de Dieu est le manque de confiance en Lui de la part de ses enfants. Dieu est un Père plein de tendresse et de miséricorde, Il n’a jamais abandonné ceux qui se confient en Lui. C’est pourquoi la conversion commence par l’apprentissage de la confiance en Dieu, en faisant mémoire, par exemple, des bienfaits déjà reçus de Lui. La confiance en Dieu, travaillée et entretenue, permet d’entrer dans sa volonté et de la mettre en œuvre.

Faire la volonté de Dieu, non seulement ne réduit pas notre liberté, mais la fait grandir. En effet, c’est l’adhésion au vrai Bien qui permet la croissance de la liberté. Faire la volonté de Dieu est un engagement personnel en vue du vrai Bien, c’est un acte d’amour filial que l’on peut appeler aussi obéissance filiale. Faire la volonté de Dieu nous fait partager les vues de Dieu, et collaborer avec Lui de manière libre et responsable.

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse

publié le 18 mars 2022


La dimension communautaire de la conversion

La conversion est un appel de Dieu adressé au cœur de chacun, mais elle a aussi une dimension communautaire. En effet, la communauté chrétienne elle-même est appelée à écouter ce que l’Esprit Saint dit aux Églises et à quitter ses routines ou ses mauvaises habitudes pour revenir à l’Évangile. C’est aussi toute l’humanité qui doit chercher les voies pour progresser dans la justice, la paix, la fraternité.

Le pape Saint Jean-Paul II évoquait les structures de péché présentes dans les sociétés humaines : ces structures, pour être supprimées, demandent une conversion de l’ensemble de la société, à travers la promulgation de lois justes et un travail pour changer les mentalités à travers les médias et la culture.

Les diverses crises que traversent notre monde depuis la crise financière de 2008 sont autant de signes des temps pour une conversion communautaire. Par exemple, la crise sanitaire a obligé la grande majorité de la population mondiale à changer ses comportements pour réduire la propagation du virus. Autre exemple : en Église, nous nous sommes aperçus que la pédocriminalité appelait à s’attaquer aux causes structurelles, et à travailler communautairement la prévention pour arriver à une tolérance zéro.

Dans l’encyclique « Laudato si », le pape François évoque la conversion communautaire indispensable pour un changement durable. Enfin la démarche synodale dans laquelle il a fait entrer l’Église, depuis l’automne dernier, est un processus qui ne peut pas ne pas produire une conversion communautaire pour une Église plus adaptée à la mission en notre temps.

Manifestement, l’Esprit Saint nous conduit dans cette direction !

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse

publié le 25 mars 2022


La tendresse inlassable de Dieu

Se livrer à la miséricorde

L’expérience nous fait percevoir notre difficulté à nous convertir, à cesser de faire le mal, à nous bonifier. Nous faisons des efforts, et nous avons raison d’en faire, mais les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Car la conversion n’est pas un fruit qui viendrait du seul travail sur nous-mêmes, mais elle est une grâce à recevoir.

La conversion est le fruit de la rencontre avec l’amour miséricordieux de Dieu, un amour qui ne condamne pas, un amour qui espère et qui relève. Notre Dieu ne guette pas nos faux pas ou nos erreurs, pour nous en demander des comptes ; Il nous aime, Il se donne à nous en son Fils Jésus, Il pardonne. Son amour nous purifie, son amour guérit nos blessures, son amour nous fortifie, son amour veut occuper nos cœurs et nos esprits et ne plus laisser de place au mal. Combien de personnes très loin de Dieu et de l’Église ont été bouleversées en expérimentant l’amour de Dieu plus fort que leurs péchés les plus noirs ; ces personnes demandent souvent spontanément à se confesser, car elles ont envie de se livrer à l’amour miséricordieux. Elles ressentent le besoin de se laisser laver par l’amour de Dieu.

Le sacrement de la réconciliation est le lieu par excellence où l’on expérimente la tendresse inlassable de Dieu qui nous redonne notre dignité en nous faisant comprendre que nous valons plus que nos péchés. Ce sacrement nous libère des mauvaises culpabilités et nous donne la force d’aller de l’avant, sans rester fixés sur nos errements. Le péché nommé, donné, est anéanti par la miséricorde divine, faisant entré la personne qui se confesse dans une liberté nouvelle.

Le sacrement de la réconciliation est un point de passage incontournable dans notre démarche de conversion. Il est le point de jonction entre nos efforts et le don gratuit de Dieu ; il est le triomphe de la grâce.

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse

publié le 1er avril 2022


La Semaine Sainte

Nous arrivons au seuil de la Semaine Sainte avec, chaque année, le sentiment de ne pas avoir fait tous les efforts que nous aurions pu faire pendant le carême ; nous comprenons que notre propre conversion n’est pas achevée. Il est bon de terminer le carême avec un sentiment d’imperfection, car Dieu seul est l’accomplissement parfait. Il est bon d’entrer dans la Semaine Sainte comme un pauvre se sachant capable de tous les reniements et s’en remettant à la miséricorde divine. Le carême nous livre à Dieu, à la grâce puissante de la Pâque du Christ ; c’est bien le sens de la conversion.

Au début de cette Semaine, notre Église diocésaine se retrouvera pour la Messe Chrismale : elle est la célébration qui manifeste le mieux son propre mystère. L’Église, en effet, naît de la croix du Christ, de la grâce sacramentelle qui jaillit du Cœur Transpercé de Jésus.

Puis notre regard et notre cœur se porteront sur le Christ livré, humilié, souffrant, crucifié, enseveli dans le tombeau. Nous méditerons sur la façon dont Dieu affronte le mal : Il le prend sur Lui. Nous contemplerons, dans le Crucifié, la révélation de la gloire divine, c’est-à-dire la manifestation éclatante de l’Amour divin.

Il est bien possible que nous n’ayons pas de hautes pensées ni de belles élévations spirituelles ; nous serons peut-être comme les disciples, assoupis à Gethsémani tandis que Jésus priait dans l’angoisse. Le mystère de la Passion nous dépasse tellement que nous peinons lamentablement. Il est possible que nous prenions la fuite, comme la plupart de ses disciples.

La pensée de nos frères et sœurs souffrants, en Ukraine, et partout dans le monde peut nous aider à tenir quelques instants, dans la nuit du Vendredi Saint, dans le silence du tombeau scellé, guettant avec eux, et avec la Vierge Marie, les lueurs de Pâques.

Bonne Semaine Sainte !

 + Guy de Kerimel
 Archevêque de Toulouse

publié le 8 avril 2022